La «qualité totale» prône la satisfaction du client par l’application de principes démocratiques de sensibilisation, de participation, de mobilisation, de « responsabilisation », de concertation, de manière à construire une synergie entre toutes les compétences concourantes. Elle retient la prévention comme remède à la non-qualité et vise la conciliation des intérêts individuels et collectifs pour qu’une ressource utile soit productive.
L’appréciation du succès de la gestion de projet d’ouvrage BTP ne fait nullement exception à cette règle, car il reste le respect stricto sensu du triangle de la qualité (QCD : qualité, coût, délai). Ainsi on défini le projet BTP en tant qu’un ensemble d’actions à entreprendre pour répondre à un besoin exprimé (qualité) dans des délais fixés (délais), moyennant l’immobilisation de ressources humaines, financières et matérielles identifiées (coût). Le succès du projet concerne le succès du livrable du projet du point de vue satisfaction de ses destinataires finaux.
La particularité dans la conduite du projet BTP réside en grande partie dans la multiplicité des acteurs que ce projet mobilise. L’expression du besoin et la satisfaction de ce besoin sont portés par des acteurs généralement distincts, qu’il est nécessaire de s’assurer tout au long du développement du projet, que le livrable en cours de réalisation correspond clairement aux attentes du maître d’ouvrage. Autrement dit c’est une évaluation en continue du « risque de non-satisfaction » ou une gestion du couple « risque/satisfaction ». Ces deux notions sont nécessairement opposées l’une à l’autre car elles évoluent de manière contraire, la diminution de l’une participe dans l’augmentation de l’autre.
Cette propriété nous paraît particulière pour en proposer une modélisation qui nous semble plus pertinente et qui nous permet l’insertion des notions « risque » et « satisfaction », toutes deux portées par un axe passant par le centre de gravité du triangle de la qualité, chacune d’elles sur une face ayant pour module initial le seuil fixé comme acceptable et l’extrémité est équidistante de ses trois sommets. Elles ne peuvent atteindre leurs valeurs extrêmes car le risque zéro ou total, tout comme la satisfaction nulle ou totale, sont conventionnellement exclus([1]).Cette représentation sort le triangle QCD de son plan 2D pour une modélisation 3D de la gestion de la qualité en conduite de projets de BTP et permet en plus du triangle de base, d’envisager six autres triangles rendant compte de diverses situations QCD par rapport au risque, mais aussi par rapport à la satisfaction.
Dans cette voie, l’approche probabiliste de Denis Gien et Sylvie Jacqmart([2]) nous montre que, dans le cadre de l’analyse de l’environnement technico-économique d’une entreprise (dans notre cas : réalisation d’un ouvrage) le formalisme qui convient le mieux, pour intégrer l’ensemble des estimations, est celui de la théorie des sous-ensembles flous, et nous proposent de représenter les besoins quantifiables (dans notre cas : risque et satisfaction) à l’aide de quantités floues. Les données sont propagées au cours de l’activité d’ingénierie pour aboutir aux paramètres du système cible. Dans ce contexte, des techniques de simulation fondées sur des paramètres flous peuvent être utilisées pour assurer la régulation du système de production. Autrement, notre modélisation est porteuse et mérite d’être creusée([3]) en vue de proposer une méthode de quantification du couple risque/satisfaction.
Cela permettra d’initier une autre méthode qui s’inscrira dans le cadre d’approches méthodologiques telles que le SPEC (Suivi de Projet En cours de Conception) ou l’Analyse Fonctionnelle, mais aussi la maîtrise des risques projets ; c’est encore un outil d’aide au suivi de projet, ainsi que d’aide à la repense de la conception et à l’optimisation d’une alternative de solution et d’aide au choix entre alternatives.
Cette méthode pourra aussi proposer aux acteurs des fonctionnalités, particulièrement utiles en phase de préconception, conception comme de réalisation d’un ouvrage, pour aider à la modélisation du besoin et à la prise en compte, pour toute alternative de solution, du risque de non-satisfaction des objectifs attendus. Les indicateurs qu’elle proposera sont dynamiques et peuvent servir de tableau de bord tout au long de la réalisation du projet.
Dr Abdelmajid EL HOR
IMSGA (Troyes 2010)
[1] Le risque zéro est irréaliste alors que le respect strict de toutes les contraintes, ou la satisfaction de tous les besoins, est souvent coûteux et rarement justifié. Des économies substantielles peuvent être obtenues sans créer de problèmes de qualité notables.
[2] « Conception et simulation de systèmes de production en présence d’information imparfaitement définies », 4e conférence francophone de modélisation et simulation, 23 au 25 avril 2003, Toulouse
[3] Nous réservons le développement de ce sujet pour notre projet de thèse que nous nourrissons l’espoir de l’inscrire dans le prolongement des présents travaux.